Berlin. 1914, première guerre mondiale, un enfant suit par les dépêches et les affiches placardées cà et là les actualités du front. Comme dans un grand événement sportif, cet enfant et une multitude d´autres est excité à la lecture du nombre de prisonniers en faveur de son pays, décu lorsque les nouvelles sont moins captivantes. Ceci entraîne un état d´extase et d´adrénaline qui s´estompera brutalement quatre ans plus tard, en 1918... l´Allemagne est déprimée, non pas forcément par la défaite, mais voilà, c´est fini, fin de la pièce, plus de spectacle.

Cet enfant se nomme Sebastian Haffner et est l´auteur de cet ouvrage. Il y retranscrit ses ressentis, ses pensées de 1914 à 1933 qui constituent un témoignage de la montée du nazisme, de l´antisémitisme jusqu´à l´élection du Führer, Adolf Hitler.

Sebastian s´exile ensuite en Angleterre en 1938, écoeuré de ce qu´est devenu son pays. On demande de mettre sur papier son expérience d´anti-nazi. Mais la guerre éclate.

Il retournera dans son pays en 1954. Le manuscrit qui est ce présent ouvrage ne sera découvert dans son bureau qu´en 1999, après son décès.

A travers le regard et les mots de Sebastian, nous assistons "en direct" à la métamorphose du pays. Cette métamorphose ne repose en aucun cas sur une conviction d´une majorité du peuple allemand envers l´idéologie prônée par les nazistes. Personne n´y croyait, à part les "aficionados" naturellement. Maintenant, la machine est en marche, forte d´une poignée de hauts dirigeants, qui, via une instauration de la terreur et de la propagande, fait flancher le peuple. Une bonne partie d´entre eux se voient accomplir des tâches à contre coeur, afin de sauver leur peau. D´autres s´exileront, d´autres encore seront endoctrinés.

L´auteur lui-même a touché de près et même vécu l´endoctrinement, tout du moins les débuts. Afin d´avoir son diplôme de magistrat, lui et ses compères seront mis dans un camp, afin d´être formé à l´idéologie du régime qui vient de s´installer. Via des tâches comme le nettoyage du fusil, les marches sportives sous fond de chants nazis, guerriers et autres....l´effet de groupe, la camaraderie, soude les gens et les amène à accepter cette nouvelle normalité qui s´installe. C´est terrible.

Et son père, qui, afin que son fils puisse avoir le diplôme, se voit de remplir un formulaire le contraignant à adhérer au Parti...

Ce livre aide aussi à réaliser le tabou qui régnait et règne encore chez certains allemands. Qu´il doit être compliqué, dur, impossible d´avouer certaines choses qui ne nous ressemblent pas, mais dont on n´a pas le choix.

Ouvrage bouleversant, magnifiquement écrit, sans complaisance.

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Ci-dessous un passage sur l´amour, qui mérite d´être connu

" Prétendre qu´"on n´aime vraiment qu´une seule fois" est certainement un mensonge romantique - encore qu´un des plus répandus et des plus populaires du siècle dernier -, et il est plutôt oiseux d´établir une hiérarchie entre des expériences amoureuses incomparables et de dire: "C´est telle ou telle que j´ai le plus aimée". La vérité, en revanche, c´est qu´il existe, généralement autour de la vingtième année, un moment dans la vie où l´amour et le choix qu´on en fait exercent sur le destin et sur le caractère une influence plus grande. Alors, dans la femme que l´on aime, on aime plus que cette femme: tout un aspect du monde, toute une conception de l´existence, un idéal si l´on veut - mais un idéal qui s´est fait chair, un idéal vivant. Le privilège du garcon de vingt ans - et encore: de certains seulement - c´est d´aimer dans une femme ce que l´homme ressentira plus tard comme son étoile. "

Histoire d´un Allemand - Sebastian Haffner

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